Il y a tant à dire sur la culture aborigène, tant de choses que nous voulons partager, que nous avons décidé d’y consacrer une partie entière. Tout d’abord, nous parlons de culture aborigène mais il existe plus de 200 cultures aborigènes avec des langues, des traditions et des modes de vie différentes. Nous parlons ici uniquement des peuples vivant ou ayant vécu dans le Kakadu.


1.      Importance de ces cultures
Pour bien comprendre l’importance de ces cultures aborigènes, il faut savoir que celles-ci se sont transmises de générations en générations, de manière orale uniquement, pendant plus de 50 000 ans. Difficile de se rendre compte à quel point c’est ancien… Imaginez que les pyramides égyptiennes datent d’environ 5 000 ans et que les grottes de Lascaux sont estimées à environ 18 000 ans. Maintenant imaginez que les historiens et archéologues ont retrouvés et retrouve encore actuellement des outils et des milliers de peintures rupestres datant d’aujourd’hui à plus de 50 000 ans et que les peuples aborigènes vivant ici connaissent tout de leur signification. Avoir la réponse à toutes ses questions, le rêve de tout archéologue…

2.      Peintures rupestres et chasse

Les peintures rupestres retrouvées racontent souvent des histoires. Les histoires sont très importantes pour les aborigènes. Elles sont leurs croyances, leurs lois et leur culture. Dans une de ces histoires par exemple, un membre du clan casse la loi de l’inceste avec ses sœurs de clan (différent des sœurs de sang). Le dieu de la foudre est alors furieux et chasse celui qui a cassé la loi avec ses éclairs. Ce dernier se transforme en crocodile pour fuir. Depuis, chaque année, le dieu de la foudre lance ses éclairs (pendant la saison des pluies) comme rappel et l’on se souvient que l’on ne peut jamais faire confiance aux crocodiles car ils transgressent les lois. Certaines histoires ne peuvent pas être racontées à tout le monde. C’est un peu comme si il y avait plusieurs niveaux d’histoires. Comment pourrait-on comprendre une histoire de niveau 5 si l’on n’a même la connaissance des histoires de niveau 1 à 4 ? D’autres peintures décrivent les animaux chassés à cette époque. On y voit les animaux dessinés en style dit « rayons X » avec l’intérieur des animaux dessinés. Pour chasser il y a plus de 12 000 ans dans les plaines arides, les aborigènes utilisaient le boomerang ; soit un boomerang droit pour assommer les grandes proies, soit un boomerang parabolique qui va aller très haut et redescendre comme un rapace pour faire s’envoler les oiseaux vers le bas et les attraper avec un filet. Puis, avec la fonte des glaciers et la montée du niveau des eaux, la végétation s’est développée et les proies sont devenues plus petites. Les aborigènes ont dû s’adapter. Le boomerang a progressivement été remplacé par des lances ; plus efficace pour chasser dans les forêts ayant remplacées les plaines.

3.      Culture aborigène : modèle et valeurs
Les aborigènes utilisent un schéma familial complexe (ou plutôt un schéma de clan). A chaque individu est attribué un des 2 types « duwa » ou « yiriji » et un groupe parmi les 16 existant. Les interactions avec les autres groupes sont codifiées : il est interdit de parler/regarder les personnes de certains groupes (loi de l’inceste), les mariages sont possibles qu’entre certains groupes, d’autres groupes auront des fonctions plutôt de « pères » ou « mères » avec des responsabilités ou des devoirs. Puis, à chaque nouvelle génération sera attribuée un groupe différent de ses parents afin d’éviter la consanguinité et de croiser les connaissances car celles-ci se transmettent uniquement à l’oral à travers des histoires racontées au sein de son groupe. Ainsi, chaque génération doit interagir avec un groupe différent. Pour les aborigènes, la culture est aussi la connaissance de la nature. D'ailleurs, le schéma familial complexe s’étend à chaque élément de la nature ; certains poissons que l’on peut ou ne peut pas manger, etc. La nature étant leur supermarché, il est important pour eux de savoir lire la nature et leurs 6 saisons, de savoir à quel moment on peut aller chercher les œufs de crocodile pour se faire une omelette ou quand aller s’abriter car tu sais en regardant les fleurs sauvages que tu vas pas tarder à te prendre des seaux d’eau sur la gueule pendant 4 mois. Sinon, à leurs heures perdues, les aborigènes sont aussi pyromanes. Environ 70% de la surface du Kakadu est brulée, petite parcelle par petite parcelle, pendant la saison sèche pour renouveler la végétation et éviter de plus gros incendies.

4.      La culture aborigène de nos jours
Certains peuples aborigènes ont réclamé et obtenu la restitution de leurs terres mais le chemin est long et complexe. La gestion du kakadu est réalisée en lien avec les différentes communautés aborigènes et une partie des terres (la terre d’Arnhem) est maintenant la propriété des aborigènes. Afin de ne pas disparaître, les aborigènes se sont en partie adaptés aux technologies modernes ; exemple : ils utilisent des fusils pour chasser mais avant de pouvoir utiliser un fusil, un jeune doit savoir chasser à la lance. Un gros travail est aussi réalisée en lien avec les rangers pour archiver les connaissances aborigènes (vidéos, écrits, etc) avant que les derniers anciens disparaissent. De nombreuses discussions ont lieu dans les communautés aborigènes pour décider de comment évolue leur culture et comment la transmettre pour ne pas qu’elle disparaisse Il y a aussi de nombreux problèmes d’intégration des aborigènes dans une société qui n’est pas compatible avec leur culture et mode de vie. Tant qu’ils n’ont pas échangé avec les personnes qui les entourent, ils ne savent pas si ils ont le droit de parler/regarder les personnes ou non d’où un profond mal être et le fait que les aborigènes sont parfois renfermés. Du coup, imagine la mission pour un aborigène qui doit prendre le RER B à gare du nord… !

5.      Fragilité de ces cultures
Le mode de fonctionnement de ces cultures (transmission orale par les histoires) les rend malheureusement très fragiles. De plus, depuis l’arrivée des européens, entre les maladies, les générations volées (enfants aborigènes retirés de leur famille) et la confiscation de leurs terres d’origines, de nombreuses communautés ont disparues. Sur les 200 cultures aborigènes, seules 50 existent toujours, les autres ont été perdues à jamais…

6.      Ouverte sur notre culture, nos traditions et ce que nous faisons pour les transmettre
Tout ceci nous a parfois entraînés dans de longues réflexions sur nous-mêmes, sur nos cultures. Qu’est-ce que nous considérons fondamental dans notre culture et qu’est-ce que nous voulons transmettre à nos enfants pour que nos traditions se perpétuent et ne se perdent pas au fil des générations ?